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Page:Bernanos - L’Imposture.djvu/238

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L’IMPOSTURE

seul mot. Tâchez de répondre sans mentir, une fois dans votre vie. Pourquoi jouez-vous ce rôle inepte ? Pourquoi vous avilissez-vous ?

— Je ne m’avilisse pas, dit l’homme. Je montre mon polichinelle.

— Trêve de bêtises ! Vous recommencerez demain la comédie avec un autre, tant que vous voudrez, peu m’importe ! Essayez seulement de retrouver, de retrouver une petite minute votre conscience, si vous en avez une. Regardez-moi bien en face. Nous avons passé plus d’une heure ensemble, je vous ai écouté patiemment, je vous ai même interrogé parfois. Vous n’avez pas prononcé une seule parole — entendez-vous : une seule ! — capable d’inspirer un peu de compassion pour votre misère. Vous ne cherchez qu’à dégoûter. Hé bien, quoi !

— Je vois ce que c’est, fit l’homme après un silence. Vous allez me reprendre mes cent balles.

— J’en donnerais plutôt cent autres pour tirer de vous une parole qui ne soit pas abjection pure.

— Abjection, objection, projection, dit l’idiot.

Et il eut un petit rire à décourager tout autre que le prêtre furieux, emporté malgré lui à la recherche de cette âme comme à la poursuite d’un ennemi. Et pourtant, il souhaitait ne la trouver jamais. Il souhaitait de toutes ses forces n’avoir devant lui que ce tas sordide, ce cadavre.

— Vous mériteriez, dit-il, une paire de gifles.

— Ça se peut, remarqua l’homme, avec une grande douceur. Comment pourrais-je bien savoir ce que vous me voulez ? Vous êtes un client pas commode. Il y en a de commodes, et il y en a de pas commodes. Ma pe-