Aller au contenu

Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
SOUS LA LUNE

manité la même idée que ces Docteurs. Ayant défini l’homme, ils raisonnent de l’humanité comme un naturaliste raisonnerait d’une espèce animale quelconque. J’ignore d’ailleurs si ce dernier raisonnerait juste, car après tout, les espèces animales paraissent bien capables d’évoluer. Rien ne prouve que le système nerveux de l’homme, par exemple, n’ait pas subi certaines modifications profondes bien qu’encore difficilement décelables. La peur de la Mort est un sentiment universel qui doit revêtir beaucoup de formes, dont quelques-unes sont assurément hors de la portée du langage humain. Il n’y a qu’un homme qui les ait connues toutes, c’est le Christ en son agonie. Êtes-vous certains qu’il ne nous reste pas encore à connaître les plus exquises ? Mais ce n’est pas à ce point de vue que je me place. Une espèce animale, aussi longtemps que les siècles n’en ont pas modifié les caractères, naît, vit et meurt selon sa loi propre, et la part qui lui est attribuée dans l’immense drame de la Création, ne comporte qu’un seul rôle, indéfiniment répété. Notre espèce, certes, n’échappe pas à cette monotone gravitation. Elle tourne autour d’un immuable destin comme une planète autour du soleil. Mais comme la planète aussi, elle est emportée avec son soleil vers un astre invisible. Ce n’est pas par son destin qu’elle est mystérieuse, c’est par sa vocation. Ainsi les historiens ne savent pas grand’chose de sa véritable histoire. Ils sont en sa présence ainsi que le critique dramatique devant l’acteur dont il