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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/109

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SOUS LA LUNE

aujourd’hui, que la guerre d’Espagne a perdu le caractère d’une explosion du sentiment national ou chrétien. Lorsque au printemps dernier, je tentais de les préparer à certaines déceptions, ils me riaient au nez. Il ne s’agit plus maintenant d’explosion, mais d’incendie. Et un incendie qui se prolonge plus de dix-huit mois commence à mériter le nom de sinistre, vous ne trouvez pas ? J’ai vu, j’ai vécu en Espagne la période prérévolutionnaire. Je l’ai vécue avec une poignée de jeunes phalangistes, pleins d’honneur et de courage, dont je n’approuvais pas tout le programme mais qu’animait, ainsi que leur noble chef, un violent sentiment de justice sociale. J’affirme que le mépris qu’ils professaient envers l’armée républicaine et ses états-majors, traîtres à leur roi et à leur serment, égalait leur juste méfiance envers un clergé expert en marchandages et maquignonnages électoraux effectués sous le couvert de l’Accion Popular et par personne interposée, l’incomparable Gil Roblès. Que sont devenus ces garçons ? demanderez-vous. Mon Dieu, je vais vous le dire. On n’en comptait pas cinq cents à Majorque, la veille du pronunciamento. Deux mois après, ils étaient quinze mille, grâce à un recrutement éhonté, organisé par les militaires intéressés à détruire le Parti et sa discipline. Sous la direction d’un aventurier italien, du nom de Rossi, la Falanje était devenue la police auxiliaire de l’Armée, systématiquement chargée des basses besognes, en attendant que ses chefs fussent