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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/176

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LES GRANDS CIMETIÈRES

espèce, mais comme elles engagent un plus grand nombre ou plutôt la totalité des valeurs spirituelles indispensables, le chaos qui en résultera sera plus dégoûtant encore, leurs pourrissoirs plus puants.

Il y a les hommes ? Qu’importent les hommes si leur sacrifice est vain. Il y a les intentions. Qu’importent si les mauvaises annulent les bonnes, et si les bonnes, partagées entre les deux camps ennemis, s’opposent entre elles, et finalement se dévorent ? La patrie est une idée sainte. Mais quand vous aurez assez longtemps, au nom de la patrie, semé la morve et le typhus, que restera-t-il de la patrie et du patriotisme, imbéciles !…

La guerre d’Espagne est un charnier. C’est le charnier des principes vrais et faux, des bonnes intentions et des mauvaises. Lors qu’elles auront cuit ensemble dans le sang et la boue, vous verrez ce qu’elles seront devenues, vous verrez quelle soupe vous avez trempée. S’il est un spectacle digne de compassion c’est bien celui de ces malheureux accroupis depuis des mois autour de la marmite à sorcière et piquant de la fourchette, chacun vantant son morceau — républicains, démocrates, fascistes ou antifascistes, cléricaux et anticléricaux, pauvres gens, pauvres diables. À votre santé !