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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/177

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SOUS LA LUNE

Dans ma jeunesse, les prélats ou les Académiciens libéraux ripostaient à toute objection : « La Démocratie coule à pleins bords. » C’est maintenant qu’elle coule. Et vous coulez avec. Nous vous regardons couler. Il n’y a peut-être plus de légitimité dans le monde à laquelle, selon la magnanime expression des aïeux, je puisse espérer « faire son Droit ». Mais on ne me fera tout de même pas témoigner pour une exploitation cynique, goguenarde, des Principes ou des princes que je ne sais plus comment servir. La Chrétienté a fait l’Europe. La Chrétienté est morte. L’Europe va crever, quoi de plus simple ? La Démocratie sociale a exploité l’idée de justice, et n’a tenu aucune de ses promesses, sinon celle du service militaire obligatoire et de la nation armée. La démocratie parlementaire, l’idée de droit. La démocratie impérialiste dissipe aujourd’hui à pleines mains l’idée de grandeur. La démocratie guerrière mobilise les enfants de sept ans, prostitue l’héroïsme et l’honneur. Les démocraties autoritaires entraîneront demain avec elles jusqu’au souvenir de ce qui fut la libre Monarchie chrétienne. Que voulez-vous ? Les gens d’Église diront là-dessus ce qu’ils pourront. Leurs prédécesseurs du quinzième siècle ne s’étaient pas moins laissé duper qu’eux-mêmes par les politiques réalistes de la Renaissance, et je dis, j’affirme, je proclame qu’ils ont alors vendu la Chrétienté,