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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/186

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LES GRANDS CIMETIÈRES

ce militaire n’en saurait tirer qu’un parti dérisoire. D’ailleurs, ils ne s’adressent pas à lui ni aux siens : nous espérons que cette marque inoffensive de bienveillance attendrira le cœur farouche de l’énigmatique M. Hitler, dont nous nous demandons parfois avec épouvante s’il n’est pas d’abord un homme sentimental et peut-être, hélas ! sincère. Avec ces Allemands du type wagnérien, on ne sait jamais s’ils mentent ou non. Au lieu qu’avec les hommes d’État de sang latin on est fixé. Leur parole n’a absolument aucune valeur, et les deux parties se trouvent spontanément d’accord pour ne traiter qu’au comptant. Bref, M. le général Franco a aujourd’hui entre les mains une valeur difficilement négociable. Il est vrai que les mauvais esprits blâment ou raillent notre prudence. « Quoi ! nous étions revenus au temps des Croisades, et vous ne le saviez pas ! Vous avez mis douze mois à vous en apercevoir. » Ces gens-là auraient-ils souhaité que nous rédigions notre lettre la veille du coup d’État ? Nous répondrons à ces écervelés que les avions italiens eux-mêmes ne sont apparus en Espagne qu’une semaine ou deux plus tard. Il me semble que l’argument est péremptoire ? »

Il est péremptoire, en effet. Je l’écris sans sourire. Je n’ai nullement l’intention de convaincre d’imposture les évêques espagnols, parce que je m’amuse à leur faire parler un