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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/187

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SOUS LA LUNE

langage qui me plaît, qui me semble exprimer avec assez de vraisemblance leurs hésitations et leurs scrupules. Mais je ne voudrais pas non plus qu’on me prît pour un imbécile. En politique, les approbations épiscopales valent ce qu’elles valent, elles n’engagent jamais individuellement leurs auteurs. L’Église se sert de tout, et n’est au service de personne. Soit. Le principe ne manque pas de grandeur, mais on m’accordera bien qu’il vaut ce que valent les hommes dont ils inspirent l’action. Grand avec les grands, médiocre avec les médiocres. Il est clair que si j’étais pour mon malheur en ce monde et mon grave risque en l’autre, chef d’un simple parti politique, je ne pourrais tenir au général Franco un langage aussi net sans m’entendre poser la question : « De combien de baïonnettes disposez-vous ? » Si je protestais que mon appui restera purement moral, on me rirait au nez. J’ajoute que je ne pourrais reprendre ma parole sans me déshonorer. Au lieu que personne ne me contredira si j’affirme qu’au cas, d’ailleurs improbable, d’une victoire des gouvernementaux, l’épiscopat espagnol peut être assuré qu’en traitant avec Azana il n’étonnerait personne. Ce formidable privilège doit accabler certaines épaules. Je sais qu’il accablerait les miennes. S’élever au-dessus de l’honneur humain, quel silence et quelle solitude ! Ne rester fidèle à ses alliés que dans le succès, ne les délaisser que dans le malheur, est-il une forme plus rigoureuse, plus surnaturelle du devoir ? Vous aurez beau dire que