Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/64

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le juif, exactement ainsi que le chirurgien vide l’abcès. Je n’approuve pas cette méthode, je prétends simplement qu’elle n’était pas en contradiction avec la doctrine de l’Église touchant le prêt à intérêt ou l’usure. À défaut d’abolir le système, on le notait d’infamie. Autre chose est de tolérer la prostitution, autre chose de déifier les prostituées comme l’a fait maintes fois jadis la canaille méditerranéenne, chez qui la vente du bétail parfumé a toujours été l’industrie nationale. Il est clair qu’au temps où les enfants pouvaient impunément reconduire à coups de trognons de choux, jusqu’au ghetto, le plus opulent capitaliste porteur de l’insigne jaune, l’Argent manquait du prestige moral nécessaire à ses desseins.

La Chrétienté n’a pas éliminé le Riche, ni enrichi le Pauvre, car elle ne s’est jamais proposé pour but l’abolition du péché originel. Elle eût retardé indéfiniment l’asservissement du monde à l’Argent, maintenu la hiérarchie des grandeurs humaines, maintenu l’Honneur. Grâce à la même loi mystérieuse qui pourvoit d’une fourrure protectrice les races animales transplantées des régions tempérées aux régions polaires, le Riche dans un climat si défavorable à son espèce a fini par acquérir une résistance prodigieuse, une prodigieuse vitalité. Il lui a fallu transformer patiemment du dedans, avec les conditions économiques, les lois, les mœurs, la morale même. Il serait exagéré de prétendre qu’il a provoqué