Page:Bernanos - Scandale de la vérité.djvu/18

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le nom de stoïcisme. Ce mot n’a aucun sens dans notre langue. Nos héros sont des militaires ou des saints, gens simples parmi les simples, et lorsque la douleur nous exerce, nous n’avons pas plus besoin d’un maître à souffrir que d’un maître à danser. Nous tâchons de souffrir au jour le jour, selon ce que Dieu nous demande, la tête autant que possible tournée vers le mur, afin de ne pas décourager le prochain. La plus lugubre de toutes les grimaces humaines est probablement celle du pauvre cuistre à l’agonie, et qui se travaille pour crever en cuistre, rendant par tous les orifices le contenu de son dictionnaire grec et latin. « Ou souffrir ou mourir », disait sainte Thérèse d’Avila. Pour désirer la souffrance, il faut l’aimer. Qui n’est pas capable de l’aimer, fait mieux de l’endurer humblement, aveuglément, et même de se plaindre tout son saoul. L’orgueil et la constipation me paraissent deux causes également redoutables d’échauffement, et la première conséquence d’une crise de stoïcisme, c’est de faire monter la température. Que le diable emporte les surhommes !