Page:Bernanos - Scandale de la vérité.djvu/19

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« Elle riait en prononçant la formule d’abjuration. » Il est facile d’imaginer ce rire. J’entends son éclat discordant, je vois le regard égaré, les joues creuses, le front luisant de sueur et tout le frémissement du jeune corps courbé sous la menace du feu. « Je croy bien que mes voix m’ont déçue. » Non pas ses voix mais l’honneur. La vie vaut-elle plus que l’honneur ? L’honneur plus que la vie ? Qui ne s’est pas posé une fois la question, ne sait pas ce que c’est que l’honneur, ni la vie. « À quoi bon ? » dit le cynique. « À quoi bon ? » répète le prêtre, bien que dans un sens différent. « La nature ignore l’honneur », dit le savant. Et l’historien lui répond : « Quiconque dispose en ce monde de la gloire et de la puissance aura toujours assez d’honneur. » Ces raisons valent ce qu’elles valent. Si elles ne valaient rien, le débat n’aurait pas de sens. Elles valent beaucoup. Elles valent trop. Aussi longtemps qu’un homme n’a pas senti comme éclater en lui leur évidence, aussi longtemps que son sang et sa chair ne se sont pas faits leurs complices, il n’est jamais qu’un malheureux, doué de plus de courage que de juge-