Page:Bernanos - Scandale de la vérité.djvu/35

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extraordinaire Nuit du Quatre Août, que les imbéciles nationaux ridiculisent à l’envi parce que l’abandon volontaire des privilèges est bien la seule forme de folie dont ils soient incapables. Je pense à cette anecdote absurde et charmante que rapportait le Général de Ségur dans sa vieillesse. Il allait au bal de la Cour, en compagnie d’un ami, très fier d’un merveilleux costume or et argent, livré d’ailleurs à crédit. Leur carrosse croise une civière. On y transportait, leur dit-on, un pauvre ouvrier agonisant, si faible qu’on n’aurait pu le déplacer sans danger. Les deux amis sautent du carrosse, suivent le cortège, sous une pluie torrentielle, jusqu’au domicile du prochain médecin, et découvrent, en soulevant la couverture, qu’ils se sont donnés toute cette peine pour un cadavre déjà raide. Le bel habit or et argent n’est plus qu’une loque fangeuse. N’importe ! On vit au siècle des lumières, on a lu Jean-Jacques, on est affamé d’égalité, de fraternité. Qu’avaient de commun ces hommes avec la canaille bourgeoise confite dans la haine et la terreur du monde ouvrier, et qui tient déjà Mgr  le Comte de Paris pour un