Page:Bernanos - Scandale de la vérité.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fait un très petit nombre de Bainville, c’est-à-dire d’hommes libres, d’une espèce de liberté stérile qui mène à l’acceptation lucide et désespérée du désordre ou de l’injustice, et un beaucoup plus grand nombre, un nombre immense d’intellectuels desséchés jusqu’à la moelle, des Bêtes à jugement, comme par exemple M. Henri Massis. Le malheur de M. Ch. Maurras est de ne pas aimer réellement sa pensée, — à laquelle il s’est lié par des chaînes de fer, — sa force est de haïr la pensée d’autrui, d’une haine vigilante et sagace dont peu d’êtres sont, évidemment, capables. Il hait la pensée d’autrui d’une haine charnelle qui, par une contradiction émouvante, a la puissance et le mouvement de l’amour. C’est par là qu’il féconde des milliers d’imbéciles qui ne l’ont pas lu, ou l’ont lu sans le comprendre. Ainsi a été rendue possible la création à des milliers d’exemplaires d’une race de bas intellectuels, d’humanistes primaires, aussi pauvre d’humanité que d’humanités, une race de bourgeois nationaux mille fois plus impitoyables et non moins vaniteux que leurs ancêtres libéraux, conservateurs féroces qui baptisent réa-