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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

— Il est jeune, ne craint point sa peine, est à toutes fins… Jusqu’à ce jour, sur les conseils du Père Denisanne, qui l’avait longuement entretenu de son élève, le doyen de Campagne avait assez chichement mesuré à celui-ci l’exercice du ministère de la pénitence. Mal averti, et par un malentendu bien excusable, le Père missionnaire se déchargea d’une partie de sa besogne sur le futur curé de Lumbres, qui, du jeudi au samedi saint, ne quitta pas le confessionnal. Le canton d’Hauburdin est vaste, à la lisière du pays minier, mais le succès de la retraite, pourtant, fut immense. Certes, aucun de ces prêtres qui le jour de Pâques prirent leur place au chœur, en beau surplis frais, et virent s’agenouiller à la table de communion une foule innombrable, ne leva seulement le regard vers le jeune vicaire silencieux qui venait de s’offrir pour la première fois, dans les ténèbres et le silence, à l’homme pécheur, son maître, qui ne le lâchera plus vivant. Jamais l’abbé Donissan ne s’ouvrit à personne des angoisses de cette entrevue décisive, ou peut-être de sa suprême suavité… Mais, lorsque l’abbé Menou-Segrais le revit, le soir de Pâques, il fut si frappé de son air distrait, absorbé, qu’il l’interrogea aussitôt avec une rudesse inaccoutumée, et la simple