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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

enveloppe de drap noir, soigneusement cousue. Les pages souvent feuilletées gardent encore une odeur fade et rance. Une méchante gravure polychrome porte au coin gauche, tracée d’une écriture menue et perfide, à l’encre pâlie, cette phrase mystérieuse : À ma chère Adoline, pour la consoler de l’ingratitude de certaines personnes… Suprême témoignage sans doute d’une rancune dévote… Quoi ! c’est le livre, le vil petit compagnon de celui-là dont les plus fiers ne peuvent dire qu’ils ont soutenu sans embarras le regard posé sur leur propre pensée — son compagnon — son confident, le confident du saint de Lumbres ! Que cherchait-il à travers ces pages toutes pareilles, où l’énorme ennui d’un prêtre oisif s’est peu à peu délivré ?

Que cherchait-il, et par-dessus tout, qu’a-t-il trouvé ? Sans doute l’abbé Donissan ne nous a laissé aucun ouvrage de doctrine ou de mystique, mais nous possédons quelques-uns de ses sermons, et le souvenir de ses extraordinaires confidences est encore trop vivant au cœur de certains. Aucun de ceux qui l’approchèrent ne mirent en doute son sens aigu du réel, la netteté de son jugement, la souveraine simplicité de ses voies. Nul ne montra plus de défiance aux beaux esprits, ou ne les marqua même à