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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

avait bravée l’avait reprise, se refermait sur elle, la digérait.

Jamais chute fut moins prompte, ni plus irrévocable. En repassant dans sa mémoire chaque incident de la nuit criminelle, Mouchette n’y voyait rien qui justifiât le souvenir qu’elle en avait gardé comme d’un effort immense, tout à coup délié, d’un trésor anéanti. Ce qu’elle avait voulu, la proie visée, manquée du premier bond, disparue à jamais, elle ne savait plus quel nom lui donner. L’avait-elle d’ailleurs jamais nommée ? Ah ! ce n’était pas ce gros bonhomme étendu… Mais quelle proie ?

Que d’autres filles rampent et meurent sous les tilleuls, dont la vie n’a duré qu’une heure ou cent ans ! La vie un moment ouverte, déployée de toute l’envergure, le vent de l’espace frappant en plein…, puis repliée, retombant à pic comme une pierre.

Mais celles-là n’ont point commis le meurtre, ou peut-être en rêve. Elles n’ont aucun secret. Elles peuvent dire : « Que j’étais folle ! » en lissant leurs bandeaux gris sous le bonnet à ruches. Elles ignoreront toujours qu’étirant leurs jeunes griffes, un soir d’orage, elles auraient pu tuer en jouant.

Après son crime, l’amour de Gallet était