Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 1, 1926.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
HISTOIRE DE MOUCHETTE

mettre sa dignité, eût ramené Mouchette compatissante jusqu’au fauteuil de reps vert. Mais quand la petite main bien-aimée toucha la poignée, quand il vit la noire silhouette déjà dressée sur le seuil, tout son pauvre corps n’eut qu’un cri :

— Germaine !

Il la saisit sous les bras, la tint pliée sur sa poitrine et, repoussant violemment la porte du pied, la jeta dans le fauteuil vide. Puis aussitôt, comme si ce grand effort eût dissipé en un moment tout son courage, il s’assit au hasard sur la première chaise rencontrée, blême. Et déjà, elle rampait vers lui, ses cheveux dénoués, ses mains jetées en avant, plus suppliante encore que ses yeux pâlis d’angoisse :

— Ne me laisse pas, répétait-elle. Ne me laisse pas. Ne me mets pas dehors aujourd’hui… J’ai fait tout à l’heure un rêve… Oh ! quel rêve…

— On a fermé la porte de la cuisine. Timoléon est sorti… Il y a là quelqu’un…, murmura en écartant doucement sa maîtresse, le héros vaincu.

Mais elle liait ses bras autour de sa poitrine.

— Garde-moi ! Je suis folle ! Je n’ai jamais peur. C’est la première fois. C’est fini.

Il l’écarta de nouveau, l’étendit sur le divan.