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III


M. le curé de Luzarnes est un homme simple. Il vit de peu ; d’un petit nombre de sentiments simples, que sa prudence n’exprime pas. Il est jeune encore, passé cinquante ans, et il le sera toujours ; il n’a pas d’âge. Sa conscience est nette comme le feuillet d’un grand livre, sans ratures et sans pâté. Son passé n’est pas vide ; il y retrouve quelques joies, il les compte, il s’étonne qu’elles soient si bien mortes, en si bel ordre, à leur place, alignées comme des chiffres. Étaient-elles des joies vraiment ? Ont-elles jamais respiré ? Ont-elles jamais battu ?…

C’est un bon prêtre, assidu, ponctuel, qui n’aime pas qu’on trouble sa vie, fidèle à sa classe, à son temps, aux idées de son temps, prenant ceci, laissant cela, tirant de toutes choses un petit profit, né fonctionnaire et moraliste, et qui prédit l’extinction du paupérisme