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LE SAINT DE LUMBRES

— comme ils disent — par la disparition de l’alcool et des maladies vénériennes, bref l’avènement d’une jeunesse saine et sportive, en maillots de laine, à la conquête du royaume de Dieu.

« Notre saint de Lumbres, » dit-il parfois avec un fin sourire. Mais, dans le feu de la discussion, il dit aussi : « Votre Saint ! » d’une autre voix. Car, s’il reproche volontiers au gouvernement diocésain son formalisme et son scrupule, il n’en déplore pas moins le désordre causé dans une juridiction paisible par un de ces hommes miraculeux qui bouleversent tous les calculs. « Monseigneur ne montrera jamais, en telle matière, trop de prudence et de discernement », conclut-il, prudent comme un chanoine, et déjà hérissé de textes… Seigneur ! Un saint ne va pas sans beaucoup de dégâts, mais on doit faire la part du feu.

Chaque tour de roue rapproche le curé de Lumbres de ce censeur impitoyable. Au travers du brouillard, il voit déjà ses yeux gris, si vifs, narquois, jamais en repos, où danse une petite flamme, toute grêle. À six kilomètres de sa pauvre paroisse au chevet d’un enfant riche à l’agonie, amené là comme un thaumaturge,