Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
SOUS LE SOLEIL DE SATAN

les yeux. Il était assis sur le talus de la route de Lumbres, son chapeau tombé près de lui, le regard encore ivre. Une carriole roulait au grand trot, dans la poussière dorée, l’homme en passant fit même un large sourire et salua du fouet… « Ai-je donc rêvé ? » disait le malheureux prêtre, le cœur battant…

Le curé de Luzarnes était devant lui.

Un curé de Luzarnes pâle, essoufflé, bégayant, mais retrouvant peu à peu son prestige et son assurance, à la vue du malheureux qui se relevait à grand’peine, s’efforçait de se tenir debout, tête nue, ses cheveux gris en désordre, pareil à un vieil écolier.

— Malheureux ! s’exclama le futur chanoine, aussitôt qu’il fut sûr de parler avec la fermeté convenable, malheureux ! Votre état peut faire pitié ; je vous plains. Mais je me plains encore d’avoir cédé à votre folie, attiré sur cette pauvre maison un autre malheur affreux, compromis notre dignité à tous — oui ! — à tous, par une manifestation ridicule… Et cette fuite ! Ah ! mon cher confrère, ce défaut de courage m’étonne de vous… Et maintenant (reprit-il après un silence, où il s’écoutait encore les yeux clos), et maintenant, qu’allez-vous faire ?