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LE SAINT DE LUMBRES

san mystique, nourri de vieux livres et des leçons de maîtres grossiers, dans la poudre des séminaires, peut s’élever par degrés à la sérénité du sage, mais son expérience est courte, sa méthode naïve et parfois saugrenue, compliquée d’inutiles superstitions. Les moyens dont dispose, à la fin de sa carrière, mais dans la pleine force de son génie, un maître illustre, ont une autre efficace. Emprunter à la sainteté ce qu’elle a d’aimable ; retrouver sans roideur la paix de l’enfance ; se faire au silence et à la solitude des champs ; s’étudier moins à ne rien regretter qu’à ne se souvenir de rien ; observer par raison, avec mesure, les vieux préceptes d’abstinence et de chasteté, assurément précieux ; jouir de la vieillesse comme de l’automne ou du crépuscule ; se rendre peu à peu la mort familière, n’est-ce pas un jeu difficile, mais rien qu’un jeu, pour l’auteur de beaucoup de livres, dispensateur d’illusion ? « Ce sera ma dernière œuvre, conclut l’éminent maître, et je ne l’écrirai que pour moi, acteur et public tour à tour… »

Mais ce dernier livre est celui-là qu’on n’écrit pas, à peine entrevu dans les songes. De le rêver seulement est un signe fatal. Ainsi les