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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

puter ? Que reprendre ? Ils avaient jusqu’à sa révolte même.

Alors elle se dressa, battant l’air de ses mains, la tête jetée en arrière, puis d’une épaule à l’autre, absolument comme un noyé qui s’enfonce. La sueur ruisselait sur son visage, ainsi qu’un torrent de larmes, tandis que ses yeux, que dévorait la vision intérieure, n’offraient au vicaire de Campagne qu’un métal refroidi. Aucun cri ne sortait de ses lèvres, bien qu’il parût vibrer dans sa gorge muette. Ce cri, qu’on n’entendait pas, imposait pourtant sa forme à la bouche contractée, au col ployé, aux maigres épaules, aux reins creusés, au corps tout entier comme tiré en haut pour un appel désespéré… Enfin elle s’enfuit.

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Jusqu’au premier tournant de la route elle crut ne pas hâter son pas, quand déjà elle courait presque. Au bas de la descente, lorsque les haies dégarnies et les troncs pressés de pommiers lui furent un abri, elle se mit à fuir de toute la vitesse de ses jambes. À l’entrée de Campagne, cependant, elle quitta la grande route et prit d’instinct le sentier désert à cette heure et qui