Page:Bernard - Brutus.djvu/18

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Et quel autre forfait plus grand, plus odieux,
Peut jamais attirer tous les foudres des Dieux ?
Mais il n’eſt pas beſoin que les Dieux qu’on offenſe,
Faſſent par leur tonnerre éclater leur vengence ;
Ce forfait avec lui porte ſon châtiment.
Les Romains ſont en proye à leur aveuglement,
Ils ne conſultent plus les loix, ny la Juſtice,
Un caprice détruit ce qu’a fait un caprice.
Le peuple en ne ſuivant que ſa legereté,
Se flatte d’exercer ſa fauſſe liberté,
Et par cette licence impunément ſoufferte,
Triomphe de pouvoir travailler à ſa perte.
Vous-même qu’il a mis dans un rang éclatant,
Que n’éprouvez-vous point de ce peuple inconſtant ?
À vôtre autorité chancelante, incertaine,
Il peut quand il luy plaît ſe dérober ſans peine ;
Il vous ôte à ſon gré vos ſuperbes faiceaux,
Lorſqu’il fit choix d’abord de ſes Maîtres nouveaux,
Brutus & Collatin occupoient cette place,
Depuis un vain ſoupçon, une inconſtante audace
Degrada Colatin, & vous donna Seigneur,
Pour peu de tems, peut-eſtre, un dangereux honneur ;
Ha ! Romulus ſans doute eut tous les Dieux contraires,
Lors qu’en ces murs naiſſans il raſſembla nos Peres,
S’il faut que par un peuple à luy-même livré.
Periſſe cet Etat encor mal aſſuré.
Prévenez les malheurs qui déja ſe preparent,
Que par un repentir vos fautes ſe reparent,
Qu’un legitime Roy dans ſon Trône remis,
Faſſe en vous ſoûmettant trembler vos ennemis.

BRUTUS.

Non, Seigneur, les Romains n’ont point commis le crime
De chaſſer de ſon Trône un Prince legitime ;