Page:Bernard - Brutus.djvu/35

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Ne me déguiſez rien ; c’eſt pour vôtre bonheur
Que je veux penetrer au fond de vôtre cœur.

AQUILIE.

Je ne ſçaurois cacher le trouble de mon ame.
Pardonnez-moy, mon Pere, une innocente flâme.
Il faut vous raſſurer ; vous craignez, je le voy,
Qu’un cœur, qui s’eſt donné, ne vous manque de foy.
Mais quand vous m’honnorez de vôtre confidence,
Mon Pere, je vous jure un éternel ſilence.
Aujourd’huy, que Titus plein de ſon deſeſpoir,
Ignorant vos deſſeins, ſçachant vôtre pouvoir,
Pour détruire un himen ou ſon pere l’engage,
Eſt venu me prier de tout mettre en uſage,
De vous montrer mes pleurs & de vous obliger
À parler aux Conſuls, à les faire changer,
À ne vouloir donner qu’à Titus Aquilie,
À faire que ſon Frere épousât Valerie,
(Vains projets d’un amant qui connoît peu ſon ſort)
(Il trouve encore en vous un obſtacle plus fort.)
Je viens de l’aſſurer qu’il ne peut rien prétendre.
Mais j’ay teu le ſecret qu’il tâche en vain d’aprendre.
Ha ! lorſque je renonce à Titus pour jamais,
Ne me forcez pas d’être à l’amant que je hais.

AQUILIUS.

Ma fille, je voudrois faire encore davantage.
Ne puis-je vous donner l’amant qui vous engage ?

AQUILIE.

Hé ! ne me flattez point dans mon cruel deſtin.
Vous ne quitterez pas le parti de Tarquin,
Et tout retient Titus, ſon Pere, la Patrie.
Il aime ſon devoir, Rome en luy ſe confie.
Non, non, je le connois, lié de tant de nœuds ;
Il ne peut…