Page:Bernard - Brutus.djvu/39

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AQUILIE.

Ils ſont juſtes helas ! mon deſtin déplorable
En rendra deſormais la ſource inépuiſable.

TITUS.

Ainſi vous perſiſtez à déchirer mon cœur.
Sur quoy ſe peut fonder cette fatale erreur ?
Ces ſoûpirs douloureux & ces cruelles larmes
Offenſent à la fois mon amour & vos charmes.
Ha ! pour vous meriter, que ne ſerois-je pas !
Heureux qu’on ait pû mettre un prix à vos apas.

AQUILIE.

Non, d’un honteux ſuccés, je ne ſuis que trop ſûre.

TITUS.

Qui me peut, juſte Ciel, attirer cette injure ?
Inhumaine, cruelle. Ha ! Je ne réponds plus
De moy, de mon amour, aprés ces durs refus.
Je ne puis ſoûtenir cette affreuſe injuſtice.
Pour le plus tendre amour, eſt-il un tel ſuplice ?
Ingrate, il eſt donc vrai ; vous doutez de ma foy.
Mes feux n’ont encor pû vous répondre de moy.
Eſt ainsi que l’amour nous unit l’un à l’autre ?
Et comment peut mon cœur s’aſſurer ſur le vôtre ?

AQUILIE.

Ne me condamnez point avant que de ſçavoir
Ce qui fait mes refus, mes pleurs, mon deſeſpoir.
Non, je ne doute point de vôtre amour extrême,
Je vous le marque aſſez, Seigneur, quand je vous aime ;
Mais malgré vôtre amour, & malgré tout le mien,
Renonçons l’un à l’autre, & n’eſperons plus rien.

TITUS.

Ô Ciel ! dans vos diſcours que pourrois-je comprendre ?
Vous avez des ſecrets que je ne puis aprendre ?