Page:Bernard - Brutus.djvu/42

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Que je ſuis malheureux de chercher à vous plaire !
Je vous ai fait ſçavoir les deſſeins de mon pere,
Et je vois vos douleurs naître avec mon espoir.
J’ai craint ce que je trouve, & je cherche à vous voir.

AQUILIE.

Et pourquoi penſez-vous, Seigneur, avoir fait naître,
Le chagrin qu’en mes yeux vous avez vû paroître ?
Le ſuccés de vos vœux eſt-il donc ſi certain ?
D’Aquilius mon pere obtenez-vous ma main ?

TIBERINUS.

Non, je voulois encor obtenir de vous-même
Vôtre cœur qui mépriſe une tendreſſe extréme.
Je ſçai qu’Aquilius aprouvera mon feu.
De puiſſantes raiſons m’aſſurent ſon aveu.
Et ſi vôtre rigueur encor me deſeſpere,
Si mes reſpects ſont vains, craignez l’ordre d’un pere.

AQUILIE.

Quel plaiſir auriez-vous à me tyranniſer ?
Et pourquoi malgré moi ſonger à m’épouſer ?

TIBERINUS.

Ingratte, demandez pourquoi je vous adore,
Pourquoi vous allumez le feu qui me devore,
Pourquoi par vos apas les cœurs ſont attirez.
Je connois le Rival que vous me préferez.
Mais, Madame, ſur lui mon cœur a l’avantage.
Je ſçais ce que je ſens, & j’aime davantage.
Croyez-en le tranſport qui me rend odieux,
Mais qui vous marque au moins le pouvoir de vos yeux.
L’invincible aſcendant d’une force ſupréme
M’engage malgré vous, ſouvent malgré moi-méme,
Et ce penchant encor, que je combats en vain,
Me fera demander malgré vous vôtre main.
Je connois vos rigueurs, vôtre haine barbare,
Et le triſte bon-heur, que l’amour me prepare,