Page:Bernard - Brutus.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je ne puis cependant m’empécher d’y courir.
Enfin ſi je me pers, c’eſt pour vous aquerir.
Tout ce que contre moy vous allez entreprendre,
De mes ſoins importuns ne poura vous deffendre.
Vous verrez vos refus & vos cruels combats
Me punir, vous venger, mais ne me guerir pas.
Si je me poſſedois, quand vous m’eſtes contraire,
Je vous rendrois à vous, vous obtenant d’un pere.
Helas ! tant de raiſon ne peut eſtre en mon choix.
Je vous aime, voila ma raiſon & mes loix.

AQUILIE.

N’employez pas tant d’art, Seigneur, pour me ſurprendre.
Vôtre dure conduite eſt facile à comprendre.
Non, ce n’eſt point l’amour qui la peut inſpirer,
Lorsque vous ne ſongez qu’à me deſeſperer.
Vôtre barbare cœur, qui ſe plaît à mes larmes,
Qui dãs mes plus grands maux trouve ſes plus doux charmes,
Seul vous fait travailler à mes cruels malheurs.
Pouriez-vous en m’aimant faire couler mes pleurs ?
Un Amant ne deſire en ſon ardeur extréme,
Qu’un bonheur qu’il partage avec l’objet qu’il aime.
Et croyez-moy, Seigneur, pour les cœurs delicats
L’hymen n’eſt point heureux, quand l’amour ne l’eſt pas.

TIBERINUS.

Je ſerai malheureux, & je ſuis né pour l’étre.
Dés long-tems vos rigueurs me l’avoient fait connoître ;
Mais je ſçaurai du moins les moyens d’empécher
Qu’on jouyſſe d’un bien qu’on pretend m’arracher.
Dans l’état où je ſuis un ſeul eſpoir me reſte ;
Il faut qu’à mon rival mon malheur ſoit funeſte.