Page:Bernard - Brutus.djvu/51

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Mon cœur porté toûjours à vous juſtifier,
Malgré ce peu d’amour n’euſt pû vous oublier.
Vous ſervez ma raiſon en outrageant ma flâme,
Dites que je feignis de vous donner mon ame,
Dites que je voulus mandier vôtre cœur
Pour pouvoir des Tarquins reparer le malheur.
Et que me fait à moy leur retour, leur abſence ?
De vous ſeul occupée avec trop de conſtance,
L’Amour m’avoit ôté tout autre ſentiment ;
Quel ſoin me touche encor en ce triſte moment ?
J’ay craint de voir nos cœurs ſeparez l’un de l’autre,
Quoy donc ! mon intereſt, Ingrat, n’eſt pas le vôtre ?

TITUS.

Madame, pardonnez mon crime à mes douleurs.
Trop foible contre vous, je m’arme de fureurs,
Je veux tenir ſuſpects vos pleurs, vôtre cœur même,
Enfin tout ce qui fait qu’un malheureux vous aime.
Mon eſprit contre vous tâche de s’irriter ;
Mais de cet art cruel je ne puis profiter.
Vous voyez le peril où vous mettez ma gloire ;
Madame, par pitié cedez-moy la victoire,
Vos charmes ſont trop forts, mon cœur eſt trop ſoûmis,
N’exigez rien de moy que ce qui m’eſt permis.

AQUILIE.

Je ne ſçay point uſer d’un pouvoir tyrannique,
À vôtre ſeul bonheur une Amante s’aplique,
Seigneur, de vôtre amour je n’exige plus rien,
Et je pretens ainſi vous marquer tout le mien.
Suivez vos ſentimens, je vais dire à mon pere
Qu’au retour des Tarquins vous trouvant trop contraire,