Page:Bernard - Brutus.djvu/70

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Pour donner à ma mort encor plus de juſtice,
Il y faut ajoûter la honte du ſuplice.
Il faut ſervir d’exemple à qui peut m’imiter.
Je dois ma teſte à Rome, & je viens l’aporter.

BRUTUS.

À tous mes ſentimens je ne puis plus ſuffire.
Je te vois criminel ; cependant je t’admire.
Ton crime fit ma haine, & je la ſens mourir.
Tu redeviens mon fils lorſque tu veux perir.

TITUS.

Hâtez-vous donc, Seigneur, de remplir mon attente.
Prononcez un Arreſt dont Rome ſoit contente.
Délivrez-la de moy. Terminez le deſtin
D’un Romain qui prétoit ſon ſecours à Tarquin.
Je remets à vos pieds cette fatale Epée,
Par qui vous auriez vû vôtre attente trompée.

BRUTUS.

Je la prens, car en vain mon cœur eſt adouci.
Titus eſt criminel, & n’eſt plus libre ici.

VALERIE

Seigneur, dans un revers ſi rude & ſi funeſte,
Abandonnerez-vous le ſeul bien qui vous reſte ?
Le Sénat vous doit tout ; de cet auguſte Corps
Brutus peut à ſon gré remuer les reſſorts.
Il peut ſauver ſon fils en demandant ſa grace.
Seigneur, ſon crime eſt grand, mais ſa vertu l’efface.
L’aveu qu’il fait icy lors qu’il a ſuccombé,
Le rend plus glorieux que s’il n’euſt pas tombé.

TITUS.

Quelle indigne pitié peut vous avoir ſaiſie ?
La bonté de Brutus ne peut rien pour ma vie.
Je ſçay ce qui m’eſt dû, Madame, & c’eſt en vain
Qu’on oſe demander la grace d’un Romain.