Page:Bernard - Brutus.djvu/71

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BRUTUS.

Titus, je te retrouve, & croy que ſans foibleſſe
Je puis laiſſer pour toy renaître ma tendreſſe.
Mon fils, car ton remords étouffant mon couroux,
À la pitié d’un pere arrache un nom ſi doux ;
Tu fléchis de Brutus le courage inflexible,
Tu frapes de mon cœur l’endroit le plus ſenſible,
Lors que tu te repens, je ne puis te blâmer,
Je ne puis que te plaindre, & peut-eſtre t’aimer.
Mais avec ces vertus, avec ce grand courage,
Comment de ton devoir as-tu perdu l’image ?
Infortuné Titus, quel funeſte moment
A produit dans ton cœur un ſi grand changement ?

TITUS.

Ma raiſon un inſtant, Seigneur, s’eſt égarée,
Peut-eſtre un peu plus tard je l’aurois recouvrée.
Ouy, Titus engagé ſans eſtre reſolu,
N’auroit point achevé ce qu’il avoit conclu.
Mais je ſuis criminel, je reviens, je m’accuſe.
Et qui cherche à mourir, ne cherche pas d’excuſe.
Je ne vous diray point par quels moyens ſecrets,
On m’a fait de Tarquin prendre les interêts.
Il ſuffit que la trame ait eſté découverte,
Et qu’a Vindicius je pardonne ma perte.
Je fais plus, je demande une grace en mourant.
Vous voyez quel ſervice un eſclave vous rend ;
C’eſt par les ſoins heureux que Rome eſt dégagée
Des funeſtes perils où vos fils l’ont plongée.
Faites qu’on l’affranchiſſe, & que Rome à vos yeux
Se faſſe un Citoyen, qui la ſervira mieux.

VALERIE.

Seigneur, ſoyez touché d’une vertu ſi pure,
Elle doit vous aider à ſuivre la nature.