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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

est simplement d’appliquer à la médecine les principes de la méthode expérimentale, afin qu’au lieu de rester science conjecturale fondée sur la statistique, elle puisse devenir une science exacte fondée sur le déterminisme expérimental. En effet, une science conjecturale peut reposer sur l’indéterminé ; mais une science expérimentale n’admet que des phénomènes déterminés ou déterminables.

Le déterminisme dans l’expérience donne seul la loi qui est absolue, et celui qui connaît la loi véritable n’est plus libre de prévoir le phénomène autrement. L’indéterminisme dans la statistique laisse à la pensée une certaine liberté limitée par les nombres eux-mêmes, et c’est dans ce sens que les philosophes ont pu dire que la liberté commence où le déterminisme finit. Mais quand l’indéterminisme augmente, la statistique ne peut plus le saisir et l’enfermer dans une limite de variations. On sort alors de la science, car c’est le hasard ou une cause occulte quelconque qu’on est obligé d’invoquer pour régir les phénomènes. Certainement nous n’arriverons jamais au déterminisme absolu de toute chose ; l’homme ne pourrait plus exister. Il y aura donc toujours de l’indéterminisme dans toutes les sciences, et dans la médecine plus que dans toute autre. Mais la conquête intellectuelle de l’homme consiste à faire diminuer et à refouler l’indéterminisme à mesure qu’à l’aide de la méthode expérimentale il gagne du terrain sur le déterminisme. Cela seul doit satisfaire son ambition, car c’est par cela qu’il étend et qu’il étendra de plus en plus sa puissance sur la nature.