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applications de la méthode expérimentale.

accidents lui enseignent l’action des médicaments, il expérimentera empiriquement sur les animaux, afin d’avoir des indications qui le dirigent dans les essais qu’il fera ultérieurement sur l’homme.

D’après ce qui précède, je considère donc que le véritable médecin expérimentateur ne doit pas être plus embarrassé au lit d’un malade qu’un médecin empirique. Il fera usage de tous les moyens thérapeutiques que l’empirisme conseille ; seulement, au lieu de les employer, d’après une autorité quelconque, et avec une confiance qui tient de la superstition, il les administrera avec le doute philosophique qui convient au véritable expérimentateur ; il en contrôlera les effets par des expériences sur les animaux et par des observations comparatives sur l’homme, de manière à déterminer rigoureusement la part d’influence de la nature et du médicament dans la guérison de la maladie. Dans le cas où il serait prouvé à l’expérimentateur que le remède ne guérit pas, et à plus forte raison s’il lui était démontré qu’il est nuisible, il devrait s’abstenir et rester, comme l’hippocratiste, dans l’expectation. Il y a des médecins praticiens qui, convaincus jusqu’au fanatisme de l’excellence de leurs médications, ne comprendraient pas la critique expérimentale thérapeutique dont je viens de parler. Ils disent qu’on ne peut donner aux malades que des médicaments dans lesquels on a foi, et ils pensent qu’administrer à son semblable un remède dont on doute, c’est manquer à la moralité médicale. Je n’admets pas ce raisonnement qui conduirait à chercher à se tromper soi-même afin de