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du raisonnement expérimental.

néglige de constater ce qu’il n’avait pas prévu et fait alors une observation incomplète. L’expérimentateur ne doit pas tenir à son idée autrement que comme à un moyen de solliciter une réponse de la nature. Mais il doit soumettre son idée à la nature et être prêt à l’abandonner, à la modifier ou à la changer, suivant ce que l’observation des phénomènes qu’il a provoqués lui enseignera.

Il y a donc deux opérations à considérer dans une expérience. La première consiste à préméditer et à réaliser les conditions de l’expérience ; la deuxième consiste à constater les résultats de l’expérience. Il n’est pas possible d’instituer une expérience sans une idée préconçue ; instituer une expérience, avons-nous dit, c’est poser une question ; on ne conçoit jamais une question sans l’idée qui sollicite la réponse. Je considère donc, en principe absolu, que l’expérience doit toujours être instituée en vue d’une idée préconçue, peu importe que cette idée soit plus ou moins vague, plus ou moins bien définie. Quant à la constatation des résultats de l’expérience, qui n’est elle-même qu’une observation provoquée, je pose également en principe qu’elle doit être faite là comme dans toute autre observation, c’est-à-dire sans idée préconçue.

On pourrait encore distinguer et séparer dans l’expérimentateur celui qui prémédite et institue l’expérience de celui qui en réalise l’exécution ou en constate les résultats. Dans le premier cas, c’est l’esprit de l’inventeur scientifique qui agit ; dans le second, ce sont les sens qui observent ou constatent. La preuve de ce que