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du raisonnement expérimental.

il est des faits nouveaux qui, par leur nature, font venir la même idée nouvelle à tous les hommes placés dans les mêmes conditions d’instruction antérieure. Mais il est aussi des faits qui ne disent rien à l’esprit du plus grand nombre, tandis qu’ils sont lumineux pour d’autres. Il arrive même qu’un fait ou une observation reste très longtemps devant les yeux d’un savant sans lui rien inspirer ; puis tout à coup vient un trait de lumière, et l’esprit interprète le même fait tout autrement qu’auparavant et lui trouve des rapports tout nouveaux. L’idée neuve apparaît alors avec la rapidité de l’éclair comme une sorte de révélation subite ; ce qui prouve bien que dans ce cas la découverte réside dans un sentiment des choses qui est non seulement personnel, mais qui est même relatif à l’état actuel dans lequel se trouve l’esprit.

La méthode expérimentale ne donnera donc pas des idées neuves et fécondes à ceux qui n’en ont pas ; elle servira seulement à diriger les idées chez ceux qui en ont et à les développer afin d’en retirer les meilleurs résultats possibles. L’idée, c’est la graine ; la méthode, c’est le sol qui lui fournit les conditions de se développer, de prospérer et de donner les meilleurs fruits suivant sa nature. Mais de même qu’il ne poussera jamais dans le sol que ce qu’on y sème, de même il ne se développera par la méthode expérimentale que les idées qu’on lui soumet. La méthode par elle-même n’enfante rien, et c’est une erreur de certains philosophes d’avoir accordé trop de puissance à la méthode sous ce rapport.