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de l’idée à priori et du doute.

dans la raison, elle l’emprunte à une source irrationnelle quelconque : telle qu’une révélation, une tradition ou une autorité conventionnelle ou arbitraire. Une fois le point de départ posé, le scolastique ou le systématique en déduit logiquement toutes les conséquences, en invoquant même l’observation ou l’expérience des faits comme arguments quand ils sont en sa faveur ; la seule condition est que le point de départ restera immuable et ne variera pas selon les expériences et les observations, mais qu’au contraire, les faits seront interprétés pour s’y adapter. L’expérimentateur au contraire n’admet jamais de point de départ immuable ; son principe est un postulat dont il déduit logiquement toutes les conséquences, mais sans jamais le considérer comme absolu et en dehors des atteintes de l’expérience. Les corps simples des chimistes ne sont des corps simples que jusqu’à preuve du contraire. Toutes les théories qui servent de point de départ au physicien, au chimiste, et à plus forte raison au physiologiste, ne sont vraies que jusqu’à ce qu’on découvre qu’il y a des faits qu’elles ne renferment pas ou qui les contredisent. Lorsque ces faits contradictoires se montreront bien solidement établis, loin de se roidir, comme le scolastique ou le systématique, contre l’expérience, pour sauvegarder son point de départ, l’expérimentateur s’empressera, au contraire, de modifier sa théorie, parce qu’il sait que c’est la seule manière d’avancer et de faire des progrès dans les sciences. L’expérimentateur doute donc toujours, même de son point de départ ; il a l’esprit nécessairement modeste et souple, et ac-