Page:Bernard - Laodamie, reine d’Épire.djvu/71

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Si je vous aimois moins, vous ſeriez mon époux.

GELON.

Ainſi donc votre amour prend ſoin de ma fortune ?
Ayez, ayez, Madame, une ame plus commune ;
Dans ces grands ſentimens l’amour a peu de part.
Ceſſez d’avoir pour moi cet outrageant égard.
Montrez-moi ces tranſports, & ces jalouſes larmes,
Ces chagrins que tantôt j’ai trouvé pleins de charmes,
Vous ne m’oppoſiez pas le Trône & la grandeur
Où vous me renvoyez avec tant de froideur.
Vous craigniez de me voir en épouſer une autre ;
Vous ſouhaitiez d’unir mon ſort avec le vôtre.
Voilà comme l’on aime, & j’en étois charmé.

LA PRINCESSE.

Prince, mon cœur jamais ne vous a tant aimé.
J’ai maintenant, Seigneur, un amour véritable :
Juſqu’ici ma tendreſſe étoit peu raiſonnable ;
J’ai craint d’être trahie, & ma fatale erreur
À garder ma conquête appliquoit tout mon cœur.
Helas ! la jalouſie eſt bien peu délicate ;
J’étois, en vous aimant, injuſte autant qu’ingratę.