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nature, et l’application que j’ai faite de ses lois au bonheur de deux familles malheureuses. Il ne fut publié que deux ans après les premieres, c’est-à-dire en 1786 : mais l’accueil qu’il reçut à sa naissance surpassa mon attente. On en fit des romans, des idylles, et plusieurs pieces de théâtre. On en imprima les divers sujets sur des ceintures, des brasselets, et d’autres ajustements de femme. Un grand nombre de peres et surtout de meres firent porter à leurs enfants venant au monde les surnoms de Paul et de Virginie. La réputation de cette pastorale s’étendit dans toute l’Europe. J’en ai deux traductions anglaises, une italienne, une allemande, une hollandaise, et une polonaise ; on m’a promis de m’en envoyer une russe et une espagnole. Elle est devenue classique en Angleterre. Sans doute j’ai obligation de ce succès, unanime chez des nations d’opinions si différentes, aux femmes, qui par tout pays ramenent de tous leurs moyens les hommes aux lois de la nature. Elles m’en ont donné une preuve évidente en ce que la plupart de ces traductions ont été faites par des dames ou des demoiselles. J’ai été enchanté, je l’avoue, de voir mes enfants adoptifs revêtus de costumes étrangers, par leurs mains maternelles ou virginales. Je me suis donc cru obligé à mon tour de les orner de tous les charmes de la typographie et de la gravure françaises, afin de les rendre plus dignes du sexe sensible qui les avoit si bien accueillis.