Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/15

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Sans doute ils lui sont redevables d’une réputation qui s’étend, dès à présent, vers la postérité. Déja les Muses décorent de fables leur berceau et leur tombeau, comme si c’étoient des monuments antiques. Non seulement plusieurs familles considérables se font honneur d’être leurs alliées ; mais un bon créole de l’isle de Bourbon m’a assuré qu’il étoit parent du S. Géran. Un jeune homme nouvellement arrivé des Indes orientales m’a fait voir depuis peu une relation manuscrite de son voyage. Il y raconte qu’il s’est reposé sur la vieille racine du cocotier planté à la naissance de Paul ; qu’il s’est promené dans l’Embrasure où l’ami de Virginie aimoit tant à grimper, et qu’enfin il a vu le noir Domingue âgé de plus de cent vingt ans[1], et pleurant sans cesse la mort de ces deux aimables jeunes gens ; il ajouta que, quoiqu’il eût vérifié les principaux évènements de leur histoire, il avoit pris la liberté de s’écarter de mes récits dans quelques circonstances légères, persuadé que je voudrois bien lui permettre de les publier avec leurs variantes. J’y consentis, en lui faisant observer que, de mon temps, cette ouverture du sommet de la montagne qu’on appelle l’Embrasure, m’avoit paru à plus

  1. L’existence actuelle de Domingue m’avoit déja été confirmée par plusieurs autres voyageurs. Ils m’ont assuré même qu’un habitant de l’isle de France le faisoit voir sur un théâtre pour de l'argent.