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Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/145

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PAUL

serions-nous si près d’arriver et au pied de notre montagne » ? En effet un moment après Fidele étoit à leurs pieds, aboyant, hurlant, gémissant, et les accablant de caresses. Comme ils ne pouvoient revenir de leur surprise ils apperçurent Domingue qui accouroit à eux. À l’arrivée de ce bon noir, qui pleuroit de joie, ils se mirent aussi à pleurer sans pouvoir lui dire un mot. Quand Domingue eut repris ses sens : « Ô mes jeunes maîtres, leur dit-il, que vos meres ont d’inquiétude ! comme elles ont été étonnées quand elles ne vous ont plus trouvés au retour de la messe où je les accompagnois ! Marie, qui travailloit dans un coin de l’habitation, n’a su nous dire où vous étiez allés. J’allois, je venois autour de l’habitation, ne sachant moi-même de quel côté vous chercher. Enfin j’ai pris vos vieux habits à l’un et à l’autre[1], je les ai fait flairer à Fidele ; et sur-le-champ, comme si ce pauvre animal m’eût entendu, il s’est mis à quêter

  1. Ce trait de sagacité du noir Domingue, et de son chien Fidele, ressemble beaucoup à celui du sauvage Téwénissa et de son chien Oniah, rapporté par M. de Crevecœur, dans son ouvrage plein d’humanité, intitulé, Lettre d’un Cultivateur américain.