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ET VIRGINIE

sur vos pas ; il m’a conduit, toujours en remuant la queue, jusqu’à la Riviere-noire. C’est là où j’ai appris d’un habitant que vous lui aviez ramené une négresse maronne, et qu’il vous avoit accordé sa grace. Mais quelle grace ! il me l’a montrée attachée, avec une chaîne au pied, à un billot de bois, et avec un collier de fer à trois crochets autour du cou. De là Fidele, toujours quêtant, m’a mené sur le morne de la Riviere-noire, où il s’est arrêté encore en aboyant de toute sa force : c’étoit sur le bord d’une source auprès d’un palmiste abattu, et près d’un feu qui fumoit encore. Enfin il m’a conduit ici : nous sommes au pied de la montagne des Trois-mamelles, et il y a encore quatre bonnes lieues jusque chez nous. Allons, mangez, et prenez des forces ». Il leur présenta aussitôt un gâteau, des fruits, et une grande calebasse remplie d’une liqueur composée d’eau, de vin, de jus de citron, de sucre, et de muscade, que leurs meres avoient préparée pour les fortifier et les rafraîchir. Virginie soupira au souvenir de la pauvre esclave, et des inquiétudes de leurs meres. Elle répéta plusieurs fois : « Oh qu’il est difficile de faire le bien » ! Pendant que