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PAUL

Paul et elle se rafraîchissoient, Domingue alluma du feu, et ayant cherché dans les rochers un bois tortu qu’on appelle bois de ronde, et qui brûle tout verd en jetant une grande flamme, il en fit un flambeau qu’il alluma ; car il étoit déja nuit. Mais il éprouva un embarras bien plus grand quand il fallut se mettre en route : Paul et Virginie ne pouvoient plus marcher ; leurs pieds étoient enflés et tout rouges. Domingue ne savoit s’il devoit aller bien loin de là leur chercher du secours, ou passer dans ce lieu la nuit avec eux. « Où est le temps, leur disoit-il, où je vous portois tous deux à la fois dans mes bras ? mais maintenant vous êtes grands, et je suis vieux ». Comme il étoit dans cette perplexité une troupe de noirs marons se fit voir à vingt pas de là. Le chef de cette troupe s’approchant de Paul et de Virginie, leur dit : « Bons petits blancs, n’ayez pas peur ; nous vous avons vus passer ce matin avec une négresse de la Riviere-noire ; vous alliez demander sa grace à son mauvais maître : en reconnoissance nous vous reporterons chez vous sur nos épaules ». Alors il fit un signe, et quatre noirs marons des plus robustes firent aussitôt un brancard