Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/48

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On trouvera peut-être que ces deux charmantes figures sont un peu fortes, comparées avec quelques unes de celles qui les suivent ; mais on doit considérer qu’elles sont plus rapprochées de l’œil du spectateur. Qui ne voudroit voir la beauté de leurs proportions encore plus développées ? Aussi l’auteur se propose-t-il d’en faire un tableau grand comme nature. Ce sujet l’emportera, à mon avis, sur celui de l’amoureux Centaure, qui porte sur sa croupe, à travers un fleuve, la tremblante Déjanire. Comment le Guide a-t-il pu choisir pour sujet de son charmant pinceau un monstre composé de deux natures incompatibles ? Comment une bouche humaine pourroit-elle alimenter à la fois l’estomac d’un homme et celui d’un cheval ? Cependant on en supporte la vue sans peine, et même avec plaisir : tant l’autorité d’un grand nom et celle de l’habitude ont de pouvoir ! Elles nous font adopter, dès l’enfance, les plus étranges absurdités au physique et au moral, sans que nous soyons même tentés, dans le cours de la vie, d’y opposer notre raison.

Je dois le beau dessin de M. Girodet à son amitié. Il m’en a fait présent. Il seroit seul capable de lui faire une grande réputation, si elle n’étoit déja florissante par le charme et la variété de ses conceptions. Il y réunit toujours les graces naïves de la nature à l’étude sévere de l’antique. On reconnoît ici l’auteur des tableaux du bel Endymion endormi dans