Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/66

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coûté au moins cette somme à bâtir. Bien des gens ne s’en seroient pas souciés, sur-tout à cause de son éloignement ; c’étoit un bien national à sept lieues et demie de Paris. Cependant, le desir de voir cette affaire terminée, et l’exemple de la sœur me rendirent facile envers le frere. Je terminai avec lui, et je recueillis ainsi les débris de mon naufrage. Toutefois quand j’eus examiné à loisir ma nouvelle acquisition, je trouvai qu’elle avoit avec mon bonheur plus de convenance que je ne l’avois d’abord imaginé. Elle est à mi-côte, en bon air ; la vue, quoiqu’un peu sauvage, en est riante : ce sont des coteaux nus et escarpés, mais bordés à leur base d’une belle lisière de prairies qu’arrose l’Oise, et qui en se perdant en portions de cercle à l’horizon, forment au loin, avec d’autres coteaux, de charmants amphithéâtres. En face, de l’autre côté de l’Oise, sont de vastes plaines bien cultivées. Le jardin qui n’est que de cinq quarts d’arpent, a été planté avec goût : ce sont des espaliers couronnés de cordons de vignes, des arbres fruitiers à mi-côte au milieu des gazons, des quarrés de légumes entourés de bordures de fleurs, des bosquets où quelques arbres étrangers se mêlent avec ceux du pays, de petits chemins bordés de fraisiers, qui circulent et aboutissent par-tout à de nouveaux points de vue. Enfin, il y a un peu de tout ce qui peut servir aux besoins et aux plaisirs d’une famille ; la mienne en fut enchantée : il sembloit que la maison eût été distribuée pour