Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/122

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Provost indiquait large. Samson indiquait juste, et se préoccupait surtout des finales. Il n’admettait pas qu’on laissât tomber les phrases. Coquelin, qui est élève de Régnier, je crois, a beaucoup de la façon de dire de Samson, tout en gardant la vérité de son premier maître enseignant.

Quant à moi, je me souviens de ces trois professeurs : Régnier, Provost, Samson, comme si c’était hier que je les eusse entendus.


L’année scolaire s’écoula sans grand changement dans ma vie.

J’eus cependant, deux mois avant mon second concours, le chagrin de changer de professeur : Provost tomba très malade, et Samson me prit dans sa classe.

Il comptait beaucoup sur moi ; mais il était autoritaire et tenace. Il m’imposa deux très mauvaises scènes dans deux très mauvaises pièces : Hortense dans L’École des Vieillards, de Casimir Delavigne, pour la comédie, et La Fille du Cid, également de Casimir Delavigne, pour la tragédie.

Je ne me sentais pas à l’aise dans ces deux rôles, écrits dans une langue dure et emphatique.


Le jour du concours arriva. J’étais laide. Maman avait exigé que je me fisse coiffer par son coiffeur. Et j’avais pleuré, sangloté, en voyant ce figaro me faire des raies sur la tête, dans tous les sens, pour séparer ma crinière rebelle. C’était lui, l’idiot, qui avait eu cette idée et qui l’avait suggérée à maman.

Et il avait tenu ma tête dans ses mains stupides plus d’une heure et demie, car il n’avait jamais tiré sur pareille crinière. Et il s’épongeait le front toutes les