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Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/159

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Autour de Régina, des jeunes femmes accroupies lui lavaient son joli visage ; et la petite disait de sa voix rauque : « Je l’ai pas fait exprès, grande sœur, je te jure ! C’est une grosse vache qu’a rué pour rien !… » Car Régina, ce séraphin blond à faire envie aux anges, cette beauté idéale et poétique, était embouchée comme un cocher ; et rien, rien, n’avait pu la corriger.

Sa grossière boutade fit éclater de rire tout le petit cercle amical et lever les épaules au cercle ennemi. Dressant, le plus charmant, le plus aimé des comédiens, vint à moi : « Il faudra que nous arrangions cette affaire, chère Mademoiselle, car les bras courts de Nathalie sont très longs. Entre nous, vous avez été un peu vive, mais j’aime ça ; et puis, la gosse est si drôle et si jolie… » dit-il en montrant ma petite sœur.

Le public trépignait dans la salle. Cette scène avait causé un retard de vingt minutes. Il fallait nous rendre en scène. Marie Royer m’embrassant : « Tu es une crâne petite camarade ! » Et Rose Baretta se pressa contre moi, me disant : « Oh ! comment as-tu osé ?… une sociétaire… »

Quant à moi, j’étais sans conscience bien nette de ce que j’avais fait ; mais mon instinct m’avertissait que j’allais le payer cher.

Le lendemain, je recevais une lettre de l’Administrateur, me priant de passer à une heure à la Comédie, pour affaire me concernant personnellement. J’avais pleuré toute la nuit, plus d’énervement que de remords ; et je m’irritais surtout de l’assaut que j’allais avoir à subir avec toute ma famille. Je cachai la lettre à ma mère, car du jour où j’entrai au théâtre, ma mère me fit émanciper. Je recevais donc mes lettres directement, sans son contrôle. J’allais et je venais seule.