Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/265

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cuisinière, la figure toute blanche, vint chercher du secours près de moi.


Les coups se succédaient assez fréquents. C’était de notre côté que le bombardement commençait ce soir-là.

J’allai vers les blessés. Ils ne s’étaient guère émus. Un seul, un enfant de quinze ans que nous avions surnommé « Bébé rose », était assis sur son lit. Comme je m’approchai de lui pour le calmer, il me montra sa petite médaille de la Sainte-Vierge : « C’est grâce à Elle que je n’ai pas été tué. Si on mettait la Sainte-Vierge sur les remparts de Paris, les bombes n’arriveraient pas. » Et il se recoucha, tenant sa petite médaille dans sa main.

Le bombardement continua jusqu’à six heures du matin.

« Ambulance ! Ambulance ! » Nous descendîmes, Guérard et moi. « Tenez, nous dit le sergent, prenez cet homme, il perd tout son sang, il n’arrivera jamais si je continue avec lui. »

Le brancard transporta le blessé ; mais, comme c’était un Allemand, je priai le sous-officier de prendre tous ses papiers pour les porter au Ministère. L’homme prit la place d’un convalescent que j’installai ailleurs. Je lui demandai son nom : « Franz Mayer, premier soldat de la landwehr silésienne » ; puis il s’évanouit, affaibli par la perte de son sang.

Les premiers soins l’ayant fait revenir à lui, je lui demandai s’il désirait quelque chose, mais il ne répondit pas un mot. Je pensai donc que cet homme ne parlait pas le français et, personne ne parlant l’allemand à l’ambulance, je remis au lendemain le soin de faire venir quelqu’un sachant cette langue.