Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/385

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relles. Et aussitôt mon arrivée, les mêmes gamins, augmentés encore, m’offrirent d’enlever, moyennant finances, les traces de leur occupation.

Je fis charger la vilaine bande par Claude et le gardien du phare ; et, comme ils nous jetaient des pierres, je braquai mon fusil sur la petite troupe. Ils s’enfuirent en hurlant. Seuls, deux gamins de six à dix ans étaient restés là, assis tristement. Nous n’y prîmes pas garde et je m’installai plus loin, abritée par un rocher faisant auvent. Les deux gamins avaient suivi. Claude et le gardien Lucas guettaient pour voir si la bande ne revenait pas.

Les enfants s’étaient accroupis sur la pointe extrême du rocher qui surplombait au-dessus de nos têtes. Ils semblaient tranquilles, quand tout à coup ma jeune femme de chambre sursauta : « Quelle horreur ! Madame. .. Quelle horreur ! Ils nous jettent des poux ! » Et, en effet, les deux petits vauriens amassaient depuis une heure tout ce qu’ils trouvaient de vermines sur eux, et nous les jetaient. Je fis saisir les deux petits drôles, et ils reçurent une correction d’importance.


Il y avait une crevasse à laquelle on avait donné le nom d’ « Enfer du Plogoff ». J’avais une envie folle de descendre dans cette crevasse, mais le gardien m’en dissuadait toujours, objectant avec ténacité le danger à courir et sa crainte de responsabilité en cas d’accident.

Je persistai néanmoins dans ma volonté ; enfin, après mille promesses, plus un certificat attestant que, malgré les supplications du gardien et malgré la certitude du danger que je courais, j’avais voulu quand même, etc., etc., et après avoir fait un petit cadeau de cinq louis au brave homme, j’obtins les facilités pour