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Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/392

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le mois de novembre. Je jouais les pièces de mon répertoire, et m’énervais de n’avoir aucune création.

Un jour, Perrin vint me voir à mon atelier de sculpture. Il se mit à bavarder d’abord sur mes bustes, me dit que je devrais faire son médaillon et, comme par hasard, il me demanda si je savais le rôle de Phèdre. Je n’avais jusqu’alors joué qu’Aricie, et le rôle de Phèdre me semblait formidable. Pourtant je l’avais étudié pour mon plaisir. « Oui, je sais le rôle de Phèdre. Mais je crois que, si je devais le jouer, je mourrais de peur. »

Il ria, de son petit rire de canard, et me dit en me baisant la main (car il était très galant) : « Travaillez-le, je crois que vous le jouerez. »

En effet, huit jours après, je fus mandée au cabinet directorial, et Perrin m’apprit qu’il annonçait Phèdre pour le 21 décembre, la fête de Racine, avec Mlle Sarah Bernhardt dans le rôle de Phèdre. Je faillis m’écrouler. « Eh bien, et Mlle Rousseil ? lui dis-je. — Mlle Rousseil veut avoir la promesse du comité qu’elle sera sociétaire au mois de janvier, et le comité, qui la nommerait sans doute, refuse de faire cette promesse, déclarant que la demande ressemble à un chantage. Maintenant, peut-être Mlle Rousseil changera-t-elle ses batteries ; en ce cas, vous jouerez Aricie et je changerai l’affiche. »


En sortant de chez Perrin, je me heurtai à M. Réguler. Je lui racontai ma conversation avec l’administrateur et je lui fis part de mes angoisses. « Mais non, mais non, me dit le grand artiste, il ne faut pas avoir peur ! Je vois très bien ce que vous allez faire de ce rôle ! Il faut simplement ne pas forcer votre voix