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Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/41

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douloureuse : je veux voir où couchera l’enfant ; elle est si délicate. » Mon père la monta à moitié et nous fûmes dans un des immenses dortoirs. Cela ressemblait en beaucoup plus grand au dortoir de chez Mme Fressard ; seulement, c’était carrelé par terre, sans aucune carpette, sans rien.

« C’est impossible ! s’écria maman. La petite ne peut pas coucher là. Elle attrapera la mort. C’est trop froid. »

Mère Sainte-Sophie, la Supérieure, calma maman qui était très pâle. Elle la fit asseoir. Ma mère avait déjà le cœur très malade.

« Tenez, Madame, nous mettrons votre fillette dans ce dortoir. » Et elle ouvrit une porte donnant sur une belle chambre contenant huit lits. Elle était parquetée. C’était la chambre attenante à l’infirmerie dans laquelle couchaient les enfants faibles ou convalescents.

Maman rassurée, nous descendîmes dans les jardins.

Il y avait le « petit bois », le « moyen bois », et le « grand bois ». Puis un verger à perte de vue dans lequel se trouvait le bâtiment des enfants pauvres instruits gratuitement et qui aidaient à la grande lessive toutes les semaines.

La vue de ces immenses bois dans lesquels se trouvaient des gymnastiques, des balançoires, des hamacs, me ravit de joie : je pourrais vagabonder dans tout cela.

Mère Sainte-Sophie dit que le « petit bois » était réservé aux grandes élèves ; et le « moyen bois », aux petites filles. Quant au « grand bois », toutes les classes s’y réunissaient aux jours de fêtes, puis pour la récolte des châtaignes et la cueillette des acacias.

Mère Sainte-Sophie fit remarquer que chaque enfant pouvait avoir son petit jardin ; que parfois on se réunissait deux, trois, pour avoir un joli jardin.