ment féminin. En effet, farder sa figure, dissimuler ses vrais sentiments, chercher à plaire, vouloir attirer les regards, sont les travers qu’on reproche souvent aux femmes et pour lesquels on montre une grande indulgence. Ces mêmes défauts deviennent odieux chez un homme.
Et cependant, le comédien doit se rendre le plus attrayant possible, fût-ce avec le secours des fards, des barbes postiches, des petits toupets. S’il est républicain, il doit soutenir avec chaleur et conviction des théories royalistes, et s’il est conservateur, des théories anarchistes, si tel est le bon plaisir de l’auteur.
Au Théâtre-Français, ce pauvre Maubant était un radical des plus avancés, mais sa stature et la beauté de son masque le condamnaient à jouer les rois, les empereurs, les tyrans ; et tout le temps que duraient les répétitions, on entendait Charlemagne ou César jurer contre les tyrans, maudire les conquérants et réclamer pour eux les plus durs châtiments. Je prenais grand plaisir à cette lutte entre l’homme et le comédien.
Peut-être cette perpétuelle abstraction de soi-même donne-t-elle à l’acteur une nature plus féminine. Mais il est certain que le comédien est jaloux de la comédienne. Sa courtoisie d’homme bien élevé s’évanouit devant la rampe. Tel comédien qui, dans la vie privée, rendra service à une femme en peine, lui cherchera noise en scène. Il risquera sa vie pour la sauver d’un danger sur la route, en chemin de fer, en bateau ; mais, sur le tremplin des planches, il ne fera rien pour la tirer d’embarras si elle manque de mémoire ; ou si elle fait un faux pas, il la pousserait volontiers. Je vais peut-être un peu loin, mais pas si loin qu’on pourrait le croire.