Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/607

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peut-être un simple qui fut un brigand, mais qui avait vingt-cinq ans et qui avait droit à la vie.

Je hais la peine de mort ! C’est un reste de lâche barbarie ; et c’est une honte pour les pays civilisés de dresser encore des guillotines et des gibets ! Tout être humain a une seconde d’attendrissement, une larme douloureuse, et cette larme peut féconder une pensée généreuse qui mène au repentir !

Je ne voudrais pour rien au monde être un de ceux-là qui ont condamné un homme à mort. Et pourtant, beaucoup d’entre eux sont de braves gens qui, rentrés chez eux, caressent tendrement leur femme et grondent bébé d’avoir cassé la tête à sa poupée,


J’ai vu quatre exécutions : une à Londres et une en Espagne, deux à Paris.

A Londres, c’est la pendaison, et cela me semble plus hideux, plus répugnant, plus sournois qu’aucune autre mort. C’était un homme d’une trentaine d’années, la figure mâle et volontaire. Je l’ai vu une seconde, il a haussé les épaules en me regardant, et son œil était plein de dédain pour ma curiosité. À cette heure-là je sentais que les pensées de cet homme étaient bien supérieures aux miennes ; et le condamné me semblait plus grand que ceux qui étaient là. Peut-être parce qu’il était plus près que nous tous du grand mystère. Il me sembla le voir sourire au moment où on lui couvrit le visage du capuchon, et je m’enfuis très bouleversée.

A Madrid, je vis un homme garrotté, et la barbarie de ce supplice me laissa épouvantée pendant plusieurs semaines. On disait qu’il avait tué sa mère ; mais aucune preuve n’avait été réellement relevée contre ce malheureux. Et il s’écria, au moment où on le tenait